Je signale en préambule que je réactive l’UltraSensiBlog, au repos depuis des années. Cela fait plusieurs jours que je me demande, en ces temps si troubles, si je ne risque pas de perdre mon temps à écrire des lignes qui ne seront pas lues. Et soudain il me revient en mémoire le passage d’un livre que j’ai lu récemment, un roman de Tom Clancy, dans lequel apparaît son héros Jack Ryan. Et j’ai trouvé très à propos de vous le faire partager.

Il s’agit d’un ouvrage sorti en 1999, Sur Ordre, dans lequel Jack Ryan dévient président des Etats-Unis suite à un attentat sur le Capitole ayant provoqué la mort d’une bonne partie du corps politique, ainsi que du Président, dont il était le vice-président depuis moins de quarante-huit heures.

Pour faire court – et néanmoins vous exposer le contexte qui va, vous le comprendrez vite, ressembler à quelque chose de connu et de très récent – non seulement notre Président ne se sent pas à la hauteur de la tâche, mais il doit bientôt faire face à une attaque terroriste majeure sur tout le territoire, par contamination au virus Ebola.

Maintenant je vous imagine assez impatient de savoir comment le mec a géré la crise. Je vous reproduis donc l’intégralité du passage qui vous donne la réponse.

— À quel point est-ce grave ? demanda le secrétaire à la Santé.
— Il y a une quinzaine de minutes, le CDC faisait état de plus de deux cents cas. J’insiste sur le fait que tous sont apparus en même temps, en moins de vingt-quatre heures, répondit le général Pickett.
— Qui a fait ça ? intervint le secrétaire à l’Agriculture.
— Laissons cette question de côté, dit le président. Nous réglerons ce problème plus tard. Nous devons d’abord décider la meilleure façon de contenir cette épidémie.
— Je n’arrive pas à croire qu’on ne puisse pas traiter cette…
— C’est pourtant la réalité. (Cathy coupa le secrétaire à l’Urbanisme.) Savez-vous combien de maladies virales nous sommes capables de guérir ?
— Euh, non…, avoua le secrétaire d’État.
— Aucune, dit Cathy, stupéfaite, une fois encore, de l’ignorance de certaines personnes en matière médicale.
— En conséquence, le confinement est la seule solution, poursuivit le général Pickett.
— Comment peut-on confiner un pays tout entier ? s’étonna Cliff Rutledge, le sous-secrétaire d’État adjoint aux Affaires étrangères, qui remplaçait Scott Adler.
— C’est le problème que nous devons régler, dit Ryan. Merci, général. Je prends la suite. Le seul moyen de le faire, c’est de fermer tous les lieux de rassemblement – théâtres, centres commerciaux, stades, bureaux, tout – et d’interdire aussi la totalité des déplacements inter-États. Il me semble qu’au moins trente États sont épargnés par l’épidémie jusqu’à présent. Ça serait bien de les protéger. Nous y réussirons peut-être en suspendant toutes liaisons entre eux jusqu’à ce que nous connaissions mieux la dangerosité de l’organisme auquel nous sommes confrontés, et que nous soyons capables de mettre en place des contre-mesures moins radicales.
— Monsieur le président, c’est anticonstitutionnel ! répliqua immédiatement Pat Martin.
— Expliquez-moi ça, ordonna Ryan.
— La liberté de circuler est un droit protégé par notre Constitution. Même à l’intérieur des États, toute restriction à la liberté de circuler est contraire à la Constitution, et ce depuis l’affaire Lemuel Penn – un officier noir de l’armée de terre assassiné par le Ku Klux Klan dans les années 60. C’est une décision de la Cour suprême, expliqua le chef de la Criminelle.
— Je sais bien que j’ai juré – comme à peu près tout le monde dans cette pièce – de défendre la Constitution, mais si cela signifie laisser mourir quelques millions de nos concitoyens, j’aurai réussi quoi ? demanda POTUS (nom de code du Président).
— Général, que se passera-t-il si nous ne le faisons pas ? interrogea Martin, à la surprise de Ryan.
— Hélas, je n’ai pas de réponse précise à ça. Parce que nous ne connaissons pas encore le mode de transmission du virus. S’il se diffuse par voie aérienne, et nous avons des raisons de le soupçonner, eh bien, d’après nos calculs et dans le pire des cas : vingt millions de morts. À ce moment-là, toute la société s’effondre. Les médecins et les infirmières abandonnent les hôpitaux, les gens s’enferment dans leurs maisons, et l’épidémie s’éteint exactement comme la peste noire, au XIIIe siècle. Les interactions humaines s’arrêtent et la maladie cesse de se développer.
— Vingt millions ? Combien la peste noire a-t-elle fait de victimes ? demanda Martin, qui avait pâli.
— Nos informations sont insuffisantes. Il n’y avait pas de véritable système de recensement, à l’époque. Les données les plus sûres concernent l’Angleterre, répondit Pickett. La peste a décimé la moitié de la population du pays ; elle a duré à peu près quatre ans. Il a fallu dans les cent cinquante ans à l’Europe pour retrouver son niveau démographique de 1347.
— C’est si grave que ça, général ? insista Martin.
— Le problème, monsieur, c’est que si vous n’entreprenez rien et que vous découvrez ensuite qu’il a une telle virulence… eh bien, c’est trop tard.
— Je vois. (Martin se tourna vers Ryan.) Monsieur le président, je ne crois pas qu’on ait vraiment le choix, ici.
— Mais vous venez de dire que c’était une violation de la loi, bon sang ! s’exclama le secrétaire à l’Urbanisme.
— Monsieur le secrétaire d’État, la Constitution n’est pas un pacte suicidaire, et même si je pense savoir comment la Cour suprême statuerait sur cette affaire, il n’y a jamais eu de situation de ce genre et elle devra en tenir compte.
— Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis, Pat ? demanda Ryan.
— Vingt millions de raisons, monsieur le président.
— Si on piétine nos propres lois, que sommes-nous, alors ? demanda Cliff Rutledge.
— … Vivants, répondit Martin doucement. Peut-être…
— Je suis d’accord pour écouter vos arguments pendant quinze minutes, annonça Ryan. Puis nous devrons prendre une décision.
Les échanges furent vifs. Quand le quart d’heure fut écoulé, Ryan les remercia et leur demanda de se prononcer.
Les secrétaires à la Défense, aux Finances, à la Justice et au Commerce votèrent oui. Tous les autres non. Ryan les considéra pendant de longues secondes, puis il laissa tomber froidement :
— Ce sont les oui qui l’emportent. Merci pour votre soutien. Monsieur Murray, le FBI apportera tout son concours au CDC et à l’USAMRIID pour découvrir d’où est partie l’épidémie. Cette enquête a priorité absolue sur tout le reste.
— Oui, monsieur le président.
— Monsieur Foley, l’ensemble de nos agents de renseignements devra se mettre aussi là-dessus. Vous travaillerez en relation avec nos experts médicaux. Cette histoire ne nous tombe pas du ciel et ses responsables ont commis un acte de guerre contre notre pays avec des armes de destruction massive. Nous devons trouver qui c’est, Ed. Toutes les agences de renseignements vous rendront compte directement des résultats. Vous avez autorité statutaire pour coordonner toutes les activités de renseignements. Dites aux autres agences que je vous ai donné l’ordre de l’exercer.
— Nous ferons de notre mieux, monsieur.
— Secrétaire Bretano, je déclare l’état d’urgence. Tous les réservistes et les effectifs de la Garde nationale seront immédiatement réunis et placés sous commandement fédéral. Vous avez ce plan au Pentagone (Ryan leva devant lui le dossier CURTAIN CALL.) Lancez l’option 4, SOLITARY, et le plus tôt possible.
— A vos ordres, monsieur.
Ryan considéra le secrétaire aux Transports, à l’autre bout de la table.
— Monsieur le Secrétaire d’État, c’est à vous qu’il revient de contrôler le trafic aérien. Lorsque vous regagnerez votre bureau, vous ordonnerez à tout appareil en vol d’aller jusqu’à sa destination et de s’y immobiliser. Les appareils au sol y resteront, et cela à partir de dix-huit heures, aujourd’hui.
— Non. (Le secrétaire aux Transports se leva.) Monsieur le président, je ne ferai pas une chose pareille. Je considère que c’est un acte illégal et je ne violerai pas la loi.
— Parfait, monsieur. J’accepte que votre démission entre immédiatement en vigueur. Vous êtes la secrétaire adjointe ? demanda-t-il alors à la femme assise derrière lui.
— Oui, monsieur le président.
— Exécutez-vous mon ordre ?
Elle regarda autour d’elle sans trop savoir quoi faire. Elle avait tout écouté, mais c’était une fonctionnaire de carrière et elle n’avait pas l’habitude de prendre de graves décisions sans Vitre couverte politiquement.
— Je n’aime pas ça non plus, ajouta Ryan. (La pièce fut soudain envahie par le rugissement des réacteurs d’un avion de ligne décollant de Washington National.) Et si cet appareil emporte la mort quelque part ? Doit-on laisser faire ça ? lui demanda-t-il si doucement qu’elle dut tendre l’oreille.
— Je vous obéirai, monsieur.
— Vous savez, Murray, dit l’ancien (mais il d’en était pas encore sûr) secrétaire aux Transports, vous pourriez arrêter cet homme à l’instant même. Il viole la loi.
— Pas aujourd’hui, monsieur, désolé, répondit Murray, en considérant son président.
— Si d’autres personnes dans cette pièce ressentent le besoin de quitter le service de l’État à cause de ce que je demande aujourd’hui, j’accepterai aussi leur démission sans préjudice, mais je vous en prie, pensez à ce que vous faites. Si je me trompe, d’accord, je me trompe et j’en paierai le prix. Mais si les médecins ont raison et que nous ne faisons rien, nous aurons plus de sang sur les mains que Hitler en personne. J’ai besoin de votre aide et de votre soutien.
Ryan se leva et quitta la pièce bien avant tout le monde. Il courut presque. Il était obligé. Il pénétra en coup de vent dans le Bureau Ovale, tourna à gauche dans le salon présidentiel et il arriva à la salle de bains juste dans les temps. Quelques secondes plus tard, Cathy le retrouva en train de vomir dans les W.-C.
— Ai-je pris la bonne décision ? murmura-t-il, toujours à genoux.
— J’ai voté pour toi, Jack, dit SURGEON (nom de code de Cathy, la femme du Président).
— Z’avez l’air en grande forme, dit van Damm en découvrant POTUS dans une position manquant de dignité.
— Pourquoi n’avez-vous rien dit, Arnie ?
— Parce que vous n’avez pas eu besoin de moi, monsieur le président, répondit le secrétaire général de la Maison-Blanche.

Alors ! EN AVOIR OU PAS !